Le marécage arborescent

Au printemps, le fleuve en crue emmagasine temporairement son trop-plein dans ces dépressions boisées. L’habitat aquatique ainsi formé est investi par une faune variée. Au-dessus de l’eau, canards, harles et sarcelles barbotent; sous l’eau, les barbottes semblent canarder la litière dans le but d’y débusquer des invertébrés. Les marécages arborescents sont au fleuve Saint-Laurent ce que les bayous sont au Mississippi.

Le marécage arborescent est un milieu humide dont la superficie est occupée à plus de 25 % par des arbres matures. Les essences qui y croissent sont tolérantes aux inondations ou aux sols saturés en eau. L’érable argenté et le frêne de Pennsylvanie, deux des espèces les plus communes dans les marécages arborescents bordant le fleuve Saint-Laurent, peuvent tolérer la présence d’eau jusqu’à 120 jours durant la saison de croissance.

Érable argenté - Alexi Hobbs

Le groupement à frêne de Pennsylvanie, orme d’Amérique et peuplier deltoïde forme le stade d’évolution intermédiaire entre la saulaie (peuplement de saules) et l’érablière argentée. L’érablière argentée représente le stade climacique du marécage arborescent en raison de la grande tolérance à l’ombre de l’érable. Dans un marécage vieillissant, les arbres sénescents sont essentiels aux espèces cavicoles, c’est-à-dire les espèces qui nichent dans les cavités naturelles ou excavées par les pics, comme le canard branchu, la sittelle à poitrine blanche et le tyran huppé.

Érablière argentée - Alexi Hobbs

Les marécages arborescents des îles aux Castors et du Mitan sont fréquentés par le pioui de l'Est, une espèce désignée préoccupante au Canada. Le pioui a connu un déclin de 81 % entre 1970 et 2017 en raison de la perte et de la dégradation de son habitat, de la diminution de la disponibilité des insectes volants dont il se nourrit et de la mortalité durant la migration et sur son aire d'hivernage. Le marcheur qui emprunte le sentier des marécages entre mai et septembre est assuré d'entendre son chant éponyme.

Pioui de l'Est - Pierrot Tellier-Machabée

Le marécage arborescent est gravement menacé par l’agrile du frêne, une espèce exotique envahissante qui s’attaque aux frênes de Pennsylvanie du territoire, lesquels n’ont aucune défense contre cet insecte avec lequel ils n’ont pas coévolué. La SCIRBI a donc implanté des essences d’arbres qui étaient absentes sur le territoire (mais présentes ailleurs en bordure du fleuve) pour favoriser le maintien de la résilience des marécages arborescents : chêne bicolore, micocoulier occidental et, dans les endroits moins humides, caryers cordiforme et ovale.

Chêne bicolore planté - Alexi Hobbs